"Mes mains se sont tout de suite senties bien dans ce métier, j’ai immédiatement aimé toucher le papier, le cuir, la toile, la colle…" Valérie Madesclaire © Frédéric Filali 

Culture

Valérie Madesclaire, gardienne de la mémoire écrite

Dans son atelier de la rue des Faures, cette maître relieur, la seule de Bayonne, restaure, relie et dore… pour embellir et redonner vie à des livres parfois vieux de plusieurs siècles.

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Au pied de la cathédrale, elle reproduit les gestes des moines relieurs des XVe et XVIe siècles, les ligators, du latin ligatore, lier. Dans son atelier de la rue des Faures, forcément baptisé… Le Ligator, Valérie Madesclaire est artisan relieur. "Je n’aime pas le mot relieuse, précise-t-elle. À la base c’est un métier d’homme, et la relieuse, c’est une machine professionnelle. Je ne suis pas une machine (rires) !"

Cette native de Normandie aux origines biscayennes, qui a repris il y a 25 ans l’atelier de Mme Poueylaud, est même l’unique maître relieur de Bayonne, un titre d’excellence que lui a récemment décerné la Chambre des métiers. "Mes clients viennent avec des vieux livres, à relier ou à restaurer. La reliure, c’est quand on habille le livre, qu’il soit broché ou avec des pages collées. Je le recouds, je taille les cartons et je le recouvre de cuir, de parchemin, de toile… Ensuite, il y a la dorure, qui consiste à titrer le livre que j’ai relié. La restauration, c’est le fait de réparer un livre relié, mais abîmé. Je restaure des livres qui remontent parfois au XVe siècle… Le plus vieux, datant de 1432, était enluminé en parchemin." Ce jour-là, dans le joyeux bric-à-brac de son atelier, Valérie Madesclaire restaure un manuscrit en latin de 1671 consacré à la numismatique.

Petite, déjà

"Toute petite, je me revois chercher à comprendre dans la bibliothèque de mon père comment les livres tenaient. Mes mains se sont tout de suite senties bien dans ce métier, j’ai immédiatement aimé toucher le papier, le cuir, la toile, la colle…" Avec ses outils, - plioir, réglet, scalpel… -, et ses machines, - massicot, cisaille, presse… -, elle embellit et redonne vie à la mémoire écrite. "J’existe par et grâce au livre, finalement." Outre les ouvrages de particuliers, elle traite les documents des mairies, notamment les registres d’état-civil, des musées, des archives départementales…

"Avant d’arrêter, je m’attacherai à transmettre mon savoir-faire. J’aimerais former un(e) jeune pour qu’elle ou il rachète le fonds de commerce. Mais les jeunes sont-ils attirés par ces vieux métiers ?" La profession est devenue rare, il ne resterait que 240 ateliers en France. La passion de Valérie Madesclaire et l’équilibre personnel que lui procure son métier restent en tout cas intacts. "Quand je suis dans mon atelier, je suis calme, détendue, presque dans un état méditatif. Quand j’en sors, je me mets en mouvement, je fais de la danse, du tennis…" Dans son atelier, cette quinquagénaire se voit comme dans une bulle. Bulle, comme le nom de sa chienne, qui veille avec fidélité à la rigueur des gestes de sa maîtresse.