Joaldunak dans les rues de Bayonne © Mathieu Prat 

Culture

Joaldunak, une panoplie d'hommes sauvages

Les "Joaldun", sonneurs de cloches, sont des personnages phares du Carnaval. Inspirés du modèle navarrais d'Ituren, les "Joaldun" d'Orai Bat ont été les premiers à voir le jour en Pays Basque nord. C'était en 1983.

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D'abord formés au contact du groupe d'Ituren puis au sein d'Orai Bat, ils sont aujourd’hui quinze "Joaldun"  sonneurs. Ils sortent quatre fois par an : en février pour Carnaval, en décembre lors de la tradition d’Olentzero, en mai pour Herri Urrats, la fête des ikastolas, ainsi que pour les Fêtes de Bayonne. Quinze hommes, aucune femme, car à Bayonne, on estime que le personnage est de tradition masculine, et qu’il est bon de la respecter, contrairement à d'autres groupes qui, ailleurs en Iparralde, acceptent une mixité de genres.

À Bayonne, le "Joaldun" fait véritablement partie des "Basajaun",  les hommes sauvages, qui sortent dès le mois de janvier afin de chasser les mauvais esprits et favoriser la fécondité… Celle des femmes, des bêtes, mais aussi des cultures. Le déguisement est d’ailleurs principalement conçu dans cette veine de virilité qui vient réveiller une nature en sommeil : un haut chapeau pointu en plumes de coq, jamais de poule, enrubanné de langes d'enfants ; une peau de brebis et un "isopua", bâton fabriqué à partir du crin de la queue d’un cheval, et non de jument. D'après Iñaki Serrada, membre fondateur du groupe de "Joaldun" bayonnais, l'explication est d'ordre technique : "en urinant vers l'avant le mâle préserve le crin de sa queue, qui reste solide, alors que celui de la femelle, qui urine vers l'arrière, est cassant." Le seul parement féminin venant s’ajouter à la panoplie est un jupon blanc. Les sonnailles, d’un volume de huit à dix litres chacune chez l'adulte, sont fermement attachées perpendiculairement aux reins au moyen de bandages. Elles sont fabriquées à Bourdettes dans le Béarn, dans l'un des derniers ateliers de France.

Un appel transfrontalier

"Ce n’est pas tant le poids des sonnailles qui entraîne un effort, mais la répétition du mouvement qui vise à les faire sonner," poursuit Iñaki Serrada. C'est en effet un véritable entraînement et une façon de faire, de se vêtir, d'arrimer les sonnailles qui ont été importés du village d'Ituren. "Cela n'avait d'ailleurs pas été si simple à l'époque, poursuit Iñaki ; il a fallu obtenir l'accord des protagonistes du Carnaval d'Ituren, dont les traditions sont soigneusement et jalousement conservées." Les liens entre Orai Bat et le groupe de Joaldun d'Ituren, des villageois pour la plupart bûcherons et agriculteurs, se sont d'abord noués autour d'une entraide. "Nous avons été acceptés car, à l'époque, j'ai aidé ceux d'Ituren à trouver des cornes de vaches pour leurs sonnailles. Les leurs étaient trop courtes et ne sonnaient pas correctement." Et comme les Basques sont de nature reconnaissante, la porte du village navarrais s'est ouverte aux Bayonnais. Fait assez exceptionnel d'ailleurs, ceux d'Ituren et leurs voisins de Zubieta, viendront grossir les ranges des Joaldun bayonnais pour carnaval 2022. Un événement qui fera du bruit...