Son excellent état de conservation tient d'une part à la présence de sa couverture en cuir, travaillée. "Cette caractéristique révèle qu'il s'agissait d'un cadeau, explique Audrey Farabos, commissaire scientifique de l'exposition présentée jusqu'au 11 janvier 2026 au musée Basque et de l'histoire de Bayonne. Car, à cette époque, les livres étaient imprimés à blanc, c'est-à-dire sans reliure, et vendu emballé dans un tissu blanc pour les préserver. Cet exemplaire de "Linguae vasconum primitiae", l'unique connu à ce jour, avait été offert au neveu de Jeanne d'Albret, prince de sang." D'où la couverture.
Au XVIIe siècle, il a rejoint les réserves de la Bibliothèque royale, en atteste un tampon apposé sur l'une des premières pages. Les institutions qui lui ont succédé, la Bibliothèque de la nation, la Bibliothèque nationale puis la Bibliothèque Nationale de France en ont tour à tour hérité, et c'est sans doute l'autre raison qui explique sa bonne conservation. Le recueil en sort d'ailleurs rarement, compte tenu de son ancienneté d'une part et de son caractère unique de l'autre.
Des poèmes d'amour sous la plume d'un prêtre
"Linguae vasconum primitiae" contient des poèmes de piété, ainsi que des poèmes d'amour profane, ce qui, à notre époque, semble surprenant sous la plume d'un prêtre. Dans "Emazteen Fabore" ("En faveur des femmes"), Bernat Etxepare écrit qu'il n'irait pas au paradis s'il ne s'y trouvait de femme. Dans "Ezkonduien Kopla"(Le poème des mariés"), il évoque librement la question de l'adultère, les frustrations ressenties par celui qui rêve d'une femme mariée, mais dont les désirs restent inassouvis. Cette liberté de ton s'explique par le contexte peu orthodoxe de l'époque, où les prêtres pouvaient vivre en couple, sans que ce ne soit ni ouvertement accepté par l'Église, ni déploré par les fidèles. De récentes recherches ont d'ailleurs révélé que Bernat Etxepare avait un fils, on ignore toutefois qui était la mère. Plusieurs autres poèmes sont écrits à la gloire de l'euskara, sa langue maternelle. C'est d'ailleurs pour la hisser au rang des autres langues en usage à l'époque, qu'Etxepare entreprend de faire publier ses poèmes. Aujourd'hui, plusieurs d'entre euxsont chantés - "Kontrapas", "Emazteen Fabore", "Euskara, jalgi hadi plazara"... Que la langue basque sorte dans les rues et sur les places était aussi l'objectif de cet intellectuel humaniste.
Autour de l'exposition
- samedis 6 et 20 décembre, 3 et 10 janvier au musée Basque : visite de 30 minutes, à 15h en français, 16h en basque
- samedi 6 décembre à 12h au Biltxoko : Ibong et Garazi Navas, offriront leur interprétation en musique, des poèmes de Bernat Etxepare
- vendredi 19 décembre à 20h à la Collégiale Saint-Esprit : concert Danserie Ensemble en partenariat avec Euskaltzaindia
- jeudi 8 janvier à 18h au musée Basque : conférence de Philippe Chareyre (histoire moderne) et Aurelia Arcocha (philologie basque)
*Les prémices de la langue des Basques
Plus d'infos > musée Basque
"Linguae vasconum primitiae" a été traduit en japonais par Sho Hagio, professeur de langue basque à l'Université des études étrangères de Tokyo. Spécialiste de la langue et de la culture basques, cet intellectuel a également contribué à la création d'un foyer basque (Euskal Etxe) à Tokyo, en 2009. Pour ces travaux, il a reçu le prix d'honneur Jean-Michel Larrasquet de Eusko Ikaskuntza, le 22 novembre 2025.

